Il y a de drôles de journées

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Tout avait pourtant débuté comme bien souvent. Réveil réglé pour sonner à 5h, réveillé à 4h, ma tête et mon arrière-train ne font qu’un. Douche (pour séparer l’un de l’autre) café, trop chaud, trop fort, trop vidé dans l’évier. Enfin il y a l’habitude, tout est machinal, c’est presqu’un film dont je ne suis pas l’acteur principal. Mon manteau, mes clés, je ferme la porte, en voiture Simone (et Dieu sait que Simone, elle est …)

Marche-arrière, en avant, c’est parti … coup de frein … mon téléphone, j’ai oublié mon smartphone !!! Impossible de vivre sans (comment croyez-vous que j’écris ces lignes ?) Re-marche-arrière hasardeuse en ligne plus ou moins droite dedans la ruelle, je me gare à l’arrache. Je ne suis pas (encore) en retard. J’ouvre la porte, lumière, mais il est là ce con, sagement posé dans son support. Je repars, pour de bon cette fois. C’était, à n’en pas douter, le premier signe.

Arrivée à l’aéroport, parking, rangée D « comme Dédé » (me demandez pas pourquoi, mais comme ça je m’en souviens toujours). Contrôles de sécurité, mécaniquement, c’est un peu le deuxième épisode du film-dont-je-ne-suis-pas-l’acteur.

Salle d’embarquement, je retrouve mon collègue, il est arrivé il y a 30 mn, « foirage de timing » qu’il a dit, mouais… Ce matin, le destin nous a fait partager un Canadair jusqu’à Lyon. Vol sans histoire, escale, le collègue pars pour Clermont, et moi, décollage vers Brest. En vol, ça bouge un peu, la Bretagne est verte, l’océan est gris comme son compagnon le ciel.

« Mesdames et Messieurs, nous venons d’atterrir à l’aéroport de Brest Bretagne … merci d’avoir choisi Airfrance … Kenavo »
J’y suis … pfff … plus de 3 heures que je voyage. Taxi sympa, il me dépose à l’adresse que je relève sur notre base client grâce à mon smartphone (que je n’ai pas oublié, rappelez-vous). Un peu banlieue, pas très joli, et je sens déjà quelques gouttes.

Ça commence à partir à vaux l’eau (sic.) L’immeuble est bien là, une seule entrée : « Interdit au public », pas de sonnette, juste un badgeur et un digicode. J’en ai vu d’autres. Mon smartphone me sauvera une fois de plus (j’avais prévenu que je ne survis pas sans lui). J’appelle, 5, 6 sonneries … « putain ils bossent à quelle heure en bzh ? »

– « Société blablabla bonjour… »
– « Bonjour, je suis Steff, j’ai rendez-vous, je suis devant votre immeuble place Machin, et je ne sais pas rentrer » (à mes heures, je parle aussi couramment le belge)
– « Ah mais nous avons déménagé rue Truc depuis près de deux ans ! »
– « Je l’ignorais, j’ai été mal renseigné. Comment pourrais-je me rendre rue Truc ? »
– « Ah ben c’est au centre-ville, enfin entre le Boulevard Chose et la rue des Bidules, vous voyez ? Vous avez un TomTom ? »
– « Euhhh oui (mon smartphone vous aviez suivi), enfin je suis à pied, c’est réaliste de faire le trajet à pied ? »
– « Ah ben non alors, ça fait une bonne trotte quand même ! D’ailleurs, il ne faut pas passer par la rue Truc, car il y a des travaux, il faut passer par la rue Binss »
– « Ok, merci, j’arrive » … j’abandonne je ne tirerait rien de mieux de cette c…

Il pleut vraiment maintenant, on est à Brest, et il ne faut pas faire la fine bouche. Coup de fil au bureau pour checker la VRAIE adresse et faire rectifier la base client.

Comme j’ai la facture du tacot, pas de problème, je l’appelle, il ne doit pas être trop loin, il pourra sûrement me récupérer. 02 98…. « le numéro que vous avez demandé n’est pas attribué… » Ok, Steff, tout va bien, tu t’es simplement gouré en tapant le numéro. Je retente, et …. je ne m’étais pas planté !

Ça commence à vraiment sentir le plan foireux. Ah il y a aussi un numéro de portable, 06 19 …. ça sonne, 4, 5, 6 sonneries, putain c’est le sport régional de laisser sonner ? Ou alors ce con a mis le dernier Rihanna comme sonnerie, et comme il aime bien la chanson … enfin bon, non il est en voiture, il ne faut pas l’oublier.
Une nana finit par décrocher ! Alors soit il vient d’embaucher une assistante, soit je me suis vraiment planté de numéro. A toute fin utile, je m’explique, cette gentille dame me réponds que son mari, qui est borne chauffeur de taxi (je ne suis pas encore complètement dingue) a oublié son téléphone ce matin. Elle n’omet pas de rajouter « ça ne lui arrive jamais à l’accoutumée ». Si elle s’imagine que ça va me consoler !

Allez, hauts les coeurs, un petit coup de Google Maps pour trouver la compagnie de taxi la plus proche (encore mon cher smartphone !), coup de fil (du premier coup), rendez-vous, il arrive plutôt vite, il est aussi sympa que le premier … il y a une justice !!! Enfin c’est ce qu’il me paraît à cet instant du périple.

Vous vous rappelez, la standardiste au chapeau rond m’avait vainement expliqué que la vraie rue n’était pas la bonne rue, à cause des travaux tout ça, tout ça. Alors ne sachant plus trop, je demande au taxi de me déposer à l’intersection des deux rues (la vraie et la bonne pour ceux qui auraient décroché). Me voilà comme un beau rond de flan, en train de fondre sous le crachin (en Bretagne il ne pleut que rarement, ils ont un nombre infini de termes pour désigner l’eau qui tombe du ciel, et plus encore en langue bretonne). Par dépit, je me décide à demander de l’aide à ma nouvelle meilleure amie (non, je ne vais pas ré-expliquer).
– « Bonjour, c’est encore Steff, je suis à l’intersection des rues Truc et Binss, et qu’est-ce donc que je dois-je faire maintenant, tout de suite pour arriver au plus vite ? »
– « Alors oui, il ne faut pas passer par la rue Truc, à cause des travaux, etc, etc, etc »
[encore courtois] – « Oui je sais tout ça, mais quelle direction dois-je emprunter ? Je suis devant l’agence immobilière Fonfon, vous devez connaître ? »
– « Connais pas … continuez dans la rue Binss jusqu’à une espèce de ruelle entre La Poste et France Télécom… »
– « D’accord, mais dans quel sens ? »
– « Ben vers le bout de la rue ! »
Oh putain, j’en tiens une, un specimen special compétition, kit usine, prêt-à-(con)courir. Inutile d’insister, je choisis un bout de la rue, qui comme toute rue qui se respecte, en possède deux. De toutes manières, et quoi que je fasse, je savais que je choisirai le mauvais sens.

[à peine moins courtois] – « Voilà je passe devant un bistrot nommé The Thing, suis-je sur la bonne voie ? »
– « Ah vous êtes à l’autre bout (!), il faut continuer, mais vous devez été trempé, non !? »
– « Certes, mais pour la direction ? »
– « Ce n’est plus très loin, il y a une espèce de rond-point … je vous mets en attente une seconde … »
Je raccroche, de toutes façons, le biniou ce n’est VRAIMENT PAS mon truc. « Espèce de ruelle », « espèce de rond-point », tu n’aurais pas simplement une vraie direction ?

Je m’en remets à mon instinct, enfin plutôt à mon GPS, un peu, et à un marin providentiel qui m’indique la direction de La Poste … à l’opposée, comme prévu. Retour vers le bistrot, l’agence immo, encore un peu, oh La Poste, et même un panneau au nom de la boîte … Alleluia, jouez trompettes, j’y suis arrivé.

Alors pour la petite histoire, il y a bien des travaux, il faut bien passer par la rue Binss, l’agence immo est au moins à 50m de la boîte, et cet extrait de molusque de standardiste ne connaît même pas la rue dans laquelle elle taffe.

La suite est plutôt plus banale, 15 mn à tapiner pour trouver le gars qui doit me recevoir, « comme convenu », il n’a rien préparé et met 15 autres minutes à me filer les infos dont j’ai besoin. Il est 11h, je prix enfin me mettre au boulot.

Ah si ! Un appel d’urgence du bureau, ils sont dans la merde, un truc en carafe, le truc qui n’arrive qu’une fois par an, mais qui arrive aujourd’hui. Je dois m’en occuper, toutes affaires cessantes, ma pause de midi va encore y passer. Je galère un moment le dessus, et in extremis, je m’en sors à bon compte pour déjeuner. Le reste roule et le boulot est fait.

Le retour sera moins épique, plus de Schweppes dans l’avion, seulement 30 mn de retard au départ d’Orly, une carte d’accès à bord qui indique « Vol incorrect » à l’embarquement, la routine.

Alors que retenir de cette journée ? Chacun se fera son avis … Le positif : assurément les taxis bretons sont sympas. Le négatif, j’ai déjà oublié.

Oh si, une dernière chose ! j’ai pris 4 avions, 3 taxis, 2 bus et 2 fois ma voiture. En un seul jour et à moi seul, j’affiche piteusement le bilan carbone annuel d’un pays du tiers-monde. Et ce même jour, j’affiche le même compteur de temps de travail hebdomadaire qu’un prof de fac. Et surtout, j’ai vidé deux fois la batterie de mon smartphone et réussi à démontrer qu’il m’est absolument indispensable !!!

Est-ce bien ou mal ? Je ne sais pas, mais au final j’existe, et je me suis bien marré en écrivant mon humble prose.

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