Une certaine idée du service à la française

Il ne s’agit pas aujourd’hui d’art de la table, mais plutôt du fleuron du service aérien made in France. Les connaisseurs avaient déjà pu remarquer depuis de quelques temps qu’il y a maintenant Airfrance et Airfrance. Le premier nous est vendu par des campagnes publicitaires à base de douces mélodies, et de jeunes femmes diaphanes, arpentant un ponton de teck, sur fond de lagon d’azur. J’avoue que je m’étais pris au jeu, bercé par les sirènes du marketing. Mon boulot et le statut de voyageur fréquent qui m’est accordé m’ont même permis de goûter a la classe affaires et autres salons d’aéroports. Je dois avouer que loin de m’y déplaire, je commençais même a me sentir en famille dans les avions tricolores.
Mais maintenant, hélas, un nouveau Mr Hyde incarne la compagnie à la crevette, en référence à son emblème historique. On citera pèle-mêle les retards et annulations, le surbooking systématique, les tarifs astronomiques, sans parler de la disparition du service à bord. On pense souvent à tort avoir tout vu, et toujours, la réalité des faits finit par nous contredire.

Lyon – Strasbourg est à priori une des lignes les plus rentables du réseau. Peu de concurrence par le rail et une majorité de passagers qui paient le plein tarif. Pourtant les appareils commencent à être hors d’âge, la sous-traitance est de mise depuis un bon moment : « Bienvenue à bord de cet ATR-42 d’Airfrance, membre de Skyteam opéré par BritAir, effectué par un appareil et un équipage d’Airlinair ». On s’y était habitué au point de ne plus l’entendre. La multiplication de la sous-traitance et des filiale avait eu pour objectif de soustraire les personnels des acquis sociaux et autres largesses accordées aux salariés d’Airfrance.

Aujourd’hui, j’avais réussi à m’enregistrer sur le vol précédent, « à la faveur d’un changement d’appareil », dixit l’agent au sol. Il est vrai qu’en cette période hivernale, de nombreux vols s’étaient vu annulé les jours précédents, et il s’en suivait une certaine désorganisation. Il est évident qu’un avion qui n’est pas arrivé ne pourra pas repartir, donc il n’arrivera pas à sa prochaine destination, et repartira pas non plus, etc. Bref, tout s’annonçait pour le mieux, le stewart à l’enregistrement était d’une efficacité qui n’avait d’égal que son amabilité, et je me hâtais vers la salle d’embarquement. Comme j’arrivais à la limite de la clôture de l’embarquement, que le bus avait déjà quitté la salle, je me voyais embarquer dans le Peugeot Partner de BritAir avec deux autres compagnons de fortune. Je montais à bord du petit quadriréacteur et présentait ma carte d’accès à bord à l’hôtesse, qui de manière inhabituelle, n’y prêtât aucune attention, se contenant de pincer un peu plus ses lèvres pour afficher un pâle rictus.

Peu importe, je m’installais au siège 3D comme convenu et attachais instinctivement ma ceinture. Je crois que c’est à cet instant, que je commençais à deviner que ce vol ne serait pas tout à fait aussi routinier. Ce n’était pas à cause de l’appareil, plutôt inusité sur cette ligne, mais un étrange manège se déroulait à l’avant de la cabine. On aurait pensé à une formation expresse aux procédures et aux us et coutumes en vigueur dans la compagnie nationale. Mais diable pourquoi mon pilote de Peugeot Partner répétait’il dans un anglais tout relatif le nom de la compagnie ? L’hôtesse qui nous avait accueilli à bord, semblait toujours aussi dubitative à l’écoute de ses instructions : « … on behalf of BritAir : B-R-I-T … no ! with a B ! … »

Elle était à n’en pas originaire du moyen-orient ou d’Inde et je pensais d’abord à une sorte d’échange de personnels entre compagnies. Après le rachat de KLM il n’était, en effet, pas rare de voler avec des hôtesses néerlandaises, chose qui n’était pas obligatoirement déplaisante !
Les formalités d’usage terminées, la porte de l’appareil se refermait, et elle prit la parole pour le bla-bla d’usage. Habituellement, personne n’y prête une quelconque attention, mais cette fois-ci l’annonce se fit dans un silence de cathédrale : « On behalf of BritAir, captain Mister Andreas Fr… and his crew welcomes you on board this Bae146 to … » … un grand blanc ! Notre chef de cabine ne connaissait manifestement pas notre destination finale. elle reprit  » … usage of mobile phones is not allowed… » et patati et patata.

Je demandais alors à mon voisin s’il allait bien à Strasbourg, j’avais employé le ton de la plaisanterie, mais le ne pouvais cacher une pointe d’anxiété. Tout devenait plus clair : le changement d’appareil, l’hôtesse qui ne contrôle pas la carte, le personnel BritAir qui fait de la formation à l’arrache. Le commandant (enfin le captain) prit à son tour la parole, et sans doute possible il était allemand. Nous voila donc embarqués dans un vol Airfrance (meebre de Skyteam) habituellement opéré par BritAir, mais affrété à WDL, avec un équipage technique allemand et des hôtesses turques !

Je ne pouvais pas en rester là, il fallait que j’imortalise l’évènement

 
Evidemment, je n’avais pas fait signer la demande de cession des droits à l’image à notre charmante hôtesse, chose qu’elle n’a que très moyennement apprécié. C’est pour cela que la séquence est coupée un peu brutalement. Je n’avais pas révisé mon « Paparazzi pour les Nuls » et je n’ai pas excellé par ma discrétion  ! Elle me l’a fait remarquer vertement, puis s’est tourné vers la vieille dame du 2F et l’a sommé d’attacher sa ceinture sans délais. Bien évidemment, la personne âgée n’entravait mot à la langue de Shakespeare. Notre délicieuse PNC bombarda alors le monsieur du 3C « interprète officiel Anglo-turc / Franco-alsacien ». Et madame 2F put lui faire savoir qu’elle avait grand soif et qu’un verre d’eau lui ferait bien plaisir. L’hôtesse ignora simplement la requête et ne prit même pas la peine de refuser.
S’ensuivit un vol sur le thème de la bonne humeur et de la franche camaraderie. Mes relations avec cette personne allant en se dégradant. Outre l’épisode de la vidéo, tout à tour, elle me demandera sans ménagement de boucler ma ceinture alors qu’elle l’était depuis mon arrivée et fera mine de ne pas comprendre les mots « Coke » et « Coca-Cola ». Je gardais néanmoins mon calme et pris le parti de commencer à écrire ce billet sur mon téléphone malin, tout en écoutant le dernier Hocus Pocus.
Lorsque le début de descente fût annoncé elle finira de beugler pour que j’enlève mon casque et range mon téléphone. Enfin j’imagine qu’il s’agissait de cela, et je ne pût m’empêcher de lâcher un « commence par parler français, si tu veux que l’on te comprenne » … et j’ai terminé par un petit « pétasse » bien appuyé. Finalement, c’est un peu comme avec les chiens, peu importe les paroles, il n’y a que le ton qui compte ! Et j’ai terminé le vol en conservant mes écouteurs. Non mais, c’est qui le patron ?
Au-delà de la qualité de service inexistante constatée durant ce vol, on retiendra qu’à partir de maintenant il faudra s’attendre à voler avec des appareils et des équipages de tous horizons. Cela constitue un pas de plus vers la dégradation de la qualité des prestations, et pire encore, une ouverture vers la mondialisation des services. Cet avion était rempli d’abonnés, voyageurs fréquents qui ont payé le prix fort et ont « bénéficié » d’une prestation de charter ou de compagnie low-cost. Et pendant ce temps, que faisaient les personnels d’Airfrance ?

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